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J’ai cassé la gueule à un truc moche!!

Avant de lire sa prose, c’est le GTR qui me faisait de l’oeil aussi. D’autant que je le trouvais vraiment choupi. Un petit côté poudrier belle époque auquel je suis particulièrement sensible. Et puis je lis dans les commentaires que Clandestino l’a commandé et qu’il va nous faire une revue à la rentrée…

!!! Pooooooouuuuuuuurquoi mon Dieu Pooooooouuuuuuuurquoi ?

Car je dois dire que j’ai du mal à me contenir là !

L’ingé-vape est un agent fourbe du Grand Capital qui a été inventé pour me faire succomber aux sirènes consuméristes desquelles, jusqu’à présent, je m’étais tenue à très bonne distance ! Car si je n’ai jamais vraiment aimé les bijoux et n’en porte aucun, si j’ai toujours roulé dans les vieilles caisses de mon père, s’il y a au moins deux décades que je n’écume plus les boutiques de fringue et ne m’autorise qu’une paire de pompe tous les trois ans, les outils stylés et bien ficelés, les flaconnage de luxe classieux et raffinés, ça, ça a le don de m’envoyer direct en orbite !

Je fantasme et je deviens miel devant la petite boîte à fards en alu fin XIXème, le robuste flacon du Channel 5 ou la cage cuivrée des Shalimar, devant la légendaire clé à cliquet stéphanoise, le tancarville sixties en inox de ma grand-mère en passant par son moulin à café Moulinex qui me sert encore à réduire en poudre mes graines et mes plantes séchées. Alors, tu vois le problème ?

Manquait plus que mes poumons me crient leur misère, qu’un dimanche de souffrance, je rénove ma vieille eGo, que je passe la porte d’un shop pour me fendre d’un bon matos la semaine d’après (vu qu’il est hors de question pour moi d’aller à l’échec, songeais-je ) que je plonge trois semaines plus tard dans les macérats italiens vantés ici par nos pirates, et que de fil en aiguille, j’en vienne à fantasmer sur les box et les atos comme ma mère sur ses bagouses 24 carats !

Car tout est là, dans la vape, pour me rendre barjot ! L’ingéniosité, la beauté, le goût, le parfum, la belle façon, les beaux dessins, les usinages précis, bref ….. quelque chose qui ressemble à l’exigence, à l’excellence et au plaisir.

On est loin, vraiment très loin de cette saleté de clope négligemment cramée sans y penser – d’ailleurs, heureusement qu’on n’ y pense pas, vu comme elle est dégueulasse. On est loin de ces odeurs de papier acide, de ces paquets moches, de ces briquets en plastock aux couleurs minables ou aux messages d’humour gland, on est loin des trous dans sa plus belle chemise, loin des haleines de chacal, loin des gueules sèches et grisâtres qu’on trimballe, la mort dans l’âme, en sachant clairement que la maladie, la souffrance, la destruction de notre corps avancent.

Ce goût de cendrier dans ma bouche, c’était comme la signature d’une malédiction; la conviction de mon impuissance.

***

Je me souviens de cette fameuse seconde, où, lumineuse de mes quinze ans à peine, je saisis cette cigarette, à laquelle j’attribuais, déjà, sans la connaître, une sorte de pouvoir magique.

Puissance, j’étais affranchie. Puissance, j’étais libérée. Puissance, j’étais intrépide. Puissance, j’étais rebelle. Puissance, j’étais indépendante. Puissance, j’étais adulte. Puissance.

Répugnante arnaque, en vérité. Je suis heureuse que la jeune génération, celle de mes neveux, de ma filleule, ait un rapport beaucoup plus lucide à cette saleté. La mienne, elle, tombait dans le panneau en masse et à pieds joints. C’était déjà la fin de la fête, mais c’était encore la fête. On fumait des pétards, à l’automne, bien sûr, il se cuisinait beaucoup d’omelettes et on avait tous commencé notre vie sexuelle avant de savoir qu’il était essentiel de baiser avec un préservatif.

On aimait Bob Marley et le professeur Choron, et on confondait Gainsbourg avec Che Guevara. La Révolution, pour nous, c’était une question sérieuse de béret sexy, de shoes et de ganja.

Lorsque je me retourne, je suis parfois sans pitié pour la sottise de ma jeunesse. J’ai peu d’indulgence ni pour celle que j’étais ni pour ma génération. Néanmoins, je sais que nous fûmes la première depuis l’après-guerre à laquelle on ne laissa pas sa place.Nous avions grandi dans un monde qui était déjà mort à nos 20 ans.

Nous avions de l’arrogance mais nous étions des ignorants. Passés nos repères au compte des pertes et profits, il nous a fallu vivre sur des sables mouvants. La brutalité de notre vie sociale a fait le reste et finalement, nous sommes devenus moins cons. On a compris que les dandy décadents du show-biz étaient des porte-flingue et qu’on se faisait quand même franchement chier aux Bains-Douche.

Parler du tabac et de son emprise sur toute une vie, pour la récente abstinente que je suis, c’est remuer pas mal de merde et convoquer quelques cadavres – des amours perdus, pas plus lourds qu’une plume le jour de leur ultime révérence dans ces hôpitaux surchargés. Le tabac, c’est l’illustration impeccable du grand foutage de gueule général qui nous piétine, qui fait de nous « des gens lavés hors d’usage », comme a dit, un jour, le chantiste.

Arrêter de fumer, c’est comme poser le premier pied par terre après être redescendu des cocotiers. C’est être passé de l’autre côté du miroir et y avoir vu l’esclave, la conformiste, la prisonnière, la pleutre, la personne dépendante et vaincue que l’on est devenu. C’est comprendre son abyssale bêtise et assumer le fait désolant d’être une conne. Mais la lucidité a aussi cette grande vertu de réduire tous les mensonges à néant.

Impuissante ? Qui l’a dit ? Tiens, regarde, j’y vais avec une béquille mais j’y vais.

Voilà, c’est comme ça que ça s’est passé pour moi. D’abord avec une décision. Puis avec des recherches qui me conduisent à des découvertes, à des rencontres et vers des objets qui me font rêver.

J’ai tordu le cou à cette promesse de maladie et de douleurs avec bonheur et volupté ! J’ai abandonné la suie des goudrons qui me faisaient cracher des molards pour des petits bijoux qui m’enchantent et depuis lesquels s’envolent des saveurs de griottes pleines d’allégresse.

J’ai cassé la gueule à un truc moche ! Fastoche et avec le sourire ! C’est l’été. Il suffisait d’un pas de côté.

Ecrit par marcelsoaps

Rachel, ex chantiste, actuelle savonnière et vapoteuse toute neuve. Je craque pour le beau matos et les macérats italiens qui tutoient les anges. J’ai appris en deux mois qu’il était possible de se libérer de 35 ans de servitude avec délice et jubilation

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